Le programme du jeudi

Jeudi 13 octobre 2022

Musée national Adrien Dubouché

Matinée

8h30 : Accueil des intervenants et du public

9h00 : Ouverture du colloque « Oh ! mon Limoges » par Céline Paul, conservatrice générale, directrice du Musée national Adrien Dubouché, et Isabelle Klock-Fontanille, présidente de l’Université de Limoges

Intervention de Céline Paul : les enjeux du colloque

L’établissement de la première manufacture de porcelaine à Limoges en 1771 a ouvert la page d’une aventure qui s’est muée en épopée industrielle à l’échelle de la Haute-Vienne au cours du XIXe siècle : d’une tradition artisanale, la porcelaine de Limoges s’est rapidement transformée en une « industrie d’art » largement tournée vers l’exportation. Aujourd’hui encore, plus de 250 ans après l’acte fondateur de 1771, la porcelaine de Limoges connaît toujours un rayonnement international. Cette séance d’ouverture se propose d’aborder les enjeux contemporains des recherches sur la porcelaine de Limoges, ainsi que les sources et ressources disponibles.

Intervention d’Alain Mouly, président d’honneur de l’Union des Fabricants de Porcelaine de Limoges (UFPL) et de l’Association pour l’Indication Géographique « Porcelaine de Limoges »

Présentation du rôle fondateur de l’Union des Fabricants de Porcelaine de Limoges et de l’ensemble des démarches qui ont permis d’aboutir à la protection juridique de l’appellation et à l’homologation de l’Indication Géographique « Porcelaine de Limoges » par l’Institut National de la Propriété Industrielle (INPI).

Thème : Nouveaux éclairages sur les débuts de la porcelaine de Limoges

Présidence de séance Chantal Meslin-Perrier, conservatrice générale, directrice honoraire du Musée national Adrien Dubouché

10h00-10h30 : Le kaolin de Saint-Yrieix-la-Perche, ses exceptionnelles qualités par Antoine d’Albis, chimiste en chef et ancien directeur du laboratoire de la manufacture de Sèvres

À propos du site de la carrière du kaolin de Saint-Yrieix-la-Perche, le 28 octobre 1768, Pierre-Joseph Macquer, chimiste de la Manufacture Royale de Sèvres, écrivait dans son journal intime et de façon très énigmatique : « Dans le chemin creux qui va… au bourg de la Roche-l’Abeille, vis-à-vis de l’église, territoire et cimetière de l’église paroissiale de Notre Damme (sic) de Noailles. ».
Puis, le 4 novembre, il écrivit à son frère : « La nouvelle terre est d’une blancheur et d’une beauté à se mettre à genoux devant… »
L’exposé traitera des différentes propriétés particulières de ce kaolin : blancheur, translucidité, tenue au feu, plasticité, résistance mécanique en cru, aptitudes au coulage et au tournage, toutes contradictoires entre elles, vues au travers des connaissances actuelles, qui firent en effet que ce kaolin était « à se mettre à genoux devant ».

10h30-10h40 : « Le commerce des matières premières et des « blancs » entre Limoges et les manufactures parisiennes à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle » : lecture d’un texte de Régine de Plinval de Guillebon, docteur en histoire de l’art, annonçant un article sur ce sujet à paraître dans les actes du colloque.

Les co-organisateurs du colloque remercient très chaleureusement l’auteur qui, ne pouvant participer au colloque, a accepté de s’y associer par cette contribution et cet article à paraître.

La découverte du kaolin limousin amena la création de nombreuses manufactures de porcelaine dure, notamment à Paris. Elles utilisèrent les minéraux limousins.
Le commerce des terres et des pâtes se révéla être très fructueux pour les propriétaires de carrières et de manufactures limousines, en raison de la grande variété de terres et de pâtes de différents prix. Mais il fallait ensuite les acheminer vers Paris.
Souvent les relations entre Limousins et Parisiens ne se limitèrent pas à ce commerce et nous pouvons citer les liens d’entraide entre Alluaud et Deruelle, ou encore la singulière Société Pouyat-Russinger.
Au début du XIXe siècle, le commerce des terres fut remplacé par celui des blancs, d’où la presque disparition de manufactures à Paris et l’explosion du nombre de décorateurs parisiens.

10h40-11h00 : Pause

11h-11h30 : La naissance du monde ouvrier porcelainier en Haute-Vienne (fin XVIIIe-début XIXe siècle) par Nicolas Lestieux, professeur agrégé d’histoire, chercheur associé au CRIHAM – Université de Limoges

Cette communication se propose d’étudier les travailleurs des ateliers et manufactures de porcelaine de la fin du XVIIIe siècle au début du XIXe siècle, à Limoges, mais aussi dans les « petites villes » ou les campagnes (Saint-Brice, Solignac, Magnac-Bourg, Coussac-Bonneval…). Quelques
caractéristiques se dégagent telles que l’origine géographique, mais aussi professionnelle des travailleurs, les mobilités professionnelles (au sein du Limousin ; entre la Nièvre et le Limousin ; depuis l’étranger, la Prusse ?), les structures familiales et les réseaux. Enfin, à partir de l’appellation des professions, on peut esquisser une hiérarchie au sein des fabriques.

11h30-12h00 : Une partie de cabaret conservée au Bowes Museum (Royaume-Uni) : le parcours singulier d’un objet en porcelaine de Limoges fabriqué dans la manufacture du comte d’Artois par Bernard Dragesco, antiquaire, Galerie Dragesco-Cramoisan, Paris

Acquis en 1869 à Paris, le cabaret du Bowes Museum, bien qu’incomplet, est certainement l’œuvre actuellement connue la plus importante et la plus étonnante produite à la manufacture royale de Limoges au XVIIIe siècle. L’iconographie complexe et déroutante de son plateau, longtemps mal interprétée, n’a été dévoilée et expliquée qu’à l’occasion de l’exposition de 1996 au Musée du Luxembourg. Elle permet d’évoquer les liens qu’entretinrent deux frères, tous les deux évêques, avec Limoges et la famille royale. Si les recherches engagées ont permis de mieux comprendre cet objet fascinant, son histoire comporte encore de nombreuses zones d’ombre.

12h00-12h30 : La famille Alluaud par Pascale Marouseau, conservatrice générale, directrice des Archives départementales de la Haute-Vienne de 2013 à 2021

Les Archives départementales de la Haute-Vienne disposent d’une collection de sources concernant la famille Alluaud. Elles permettent de retracer l’histoire de la fabrique familiale depuis l’Ancien Régime jusqu’au XXe siècle à partir des séries C, L, E, F et J. Leur utilisation éclaire le fonctionnement de toute la chaîne de fabrication, de l’extraction du kaolin au produit fini et à la commercialisation. Il est également possible de prolonger l’étude par la présentation des outils de recherche concernant les archives foncières (Enregistrement et Hypothèques).

Après-midi

Thème : Rayonnement national et international de la porcelaine de Limoges au XIXe siècle

Présidence de séance : Jean-Charles Hameau, conservateur du patrimoine au Musée national Adrien Dubouché, chef du service des collections et responsable des collections XIXe-XXIe siècle

14h00-14h30 : « Raison et sentiments ». De l’importance des
marques et incises des pièces en porcelaine de Limoges dans la première
moitié du XIXe siècle
par Jean-Marc Ferrer, historien d’art, directeur des Ardents Éditeurs

L’une des périodes les plus délicates à analyser dans l’histoire de la porcelaine de Limoges demeure celle qui s’étend de la fin de la Révolution française jusqu’au milieu du XIXsiècle. Nombre des meilleurs ouvriers des premières manufactures de la place installent à Limoges et ses environs de nouveaux établissements au rayonnement national et international encore mal circonscrit. Il reste difficile
d’attribuer avec fermeté, en raison d’un corpus encore réduit et en l’absence de marques de fabrique, une production à une manufacture. Les incises laissées sous les pièces par des tourneurs voir des mouleurs laissent pourtant présager de nouveaux moyens d’attribution d’une production à une manufacture donnée. L’étude de l’évolution des incises de la dynastie Baignol qui, depuis l’extrême fin du XVIIIe siècle aux années 1850, semble avoir marqué ses pièces à l’instar d’une
véritable marque de fabrique, associée à d’autres exemples, tentera de situer avec plus de précision l’origine des pièces. Elle montrera également les limites de son interprétation. Enfin, se dessinent des parcours de figures qui, apparaissant à travers de simples signes fixés dans la pâte, incarnent des acteurs ignorés de l’histoire de la porcelaine de Limoges. Pourvu d’un nom digne d’un personnage de Balzac, Cœurdassier symbolise ces dynasties oubliées d’artistes en porcelaine.

 

 14h30-15h00 : Naissance d’une ville en rouge et blanc : les porcelainiers de Limoges en 1848 par Philippe Grandcoing, professeur agrégé d’histoire en classes préparatoires, chercheur associé au CRIHAM – Université de Limoges.

La révolution de 1848 à Limoges marque la naissance de « Limoges la rouge », en raison du poids politique des « démoc’ soc’ » et des événements à caractère révolutionnaire dont elle fut le théâtre durant le mois d’avril. Les ouvriers porcelainiers jouent ici un rôle essentiel, alors que Limoges connaît depuis une vingtaine d’années un développement rapide de ce secteur économique. La communication se propose donc d’étudier ce groupe sous divers angles – origines sociales et géographiques, insertion dans l’espace urbain, engagement politique – afin de dresser le portrait collectif de cette génération fondatrice de l’identité de la ville.

15h00-15h30 : Les œuvres en porcelaine de Limoges du Conservatoire des Arts et métiers par Anne-Laure Carré, responsable de collections au Musée des Arts et Métiers, Paris

Représentée sous ces facettes aussi bien artistiques que techniques, la collection de porcelaine de Limoges du Musée des Arts et Métiers est relativement modeste. Elle s’inscrit toutefois dans la logique de représentativité des manufactures françaises et étrangères voulue par les enseignements de céramique et verrerie tout au long du XIXe siècle.

15h30-16h00 : Les œuvres en porcelaine de Limoges au Musée des Arts Décoratifs par Audrey Gay-Mazuel, conservatrice du patrimoine XIXe-Art nouveau, Département des collections historiques, Musée des Arts décoratifs, Paris

La collection du Musée des Arts décoratifs compte plus de 650 porcelaines de Limoges, de la fin du XVIIIe siècle aux pièces les plus contemporaines des frères Campana. Dès 1878, le musée, appelé alors Union centrale des beaux-arts appliqués à l’industrie, enregistre des dons, notamment d’Adrien Dubouché, qui se trouvent amplifiés les années suivant l’exposition dédiée à la céramique que l’institution organise en 1884 au palais de l’Industrie. Ainsi représentées à Paris, les manufactures Haviland, Peyrusson, Pouyat mais aussi Gérard-Dufraisseix-Abbot par l’intermédiaire de la galerie de Siegfried Bing, témoignent de l’âge d’or de Limoges dans le dernier quart du XIXe siècle et à l’aube de l’Art nouveau. Tout au long du XXe siècle, le musée des Arts décoratifs reçoit d’importantes donations qui constituent des fonds remarquables du travail de Suzanne Lalique-Haviland, d’Edouard Marcel Sandoz, de Jean Luce mais aussi de Roger Tallon.

16h00-16H15 : Pause

16h15-16h45 : La maîtrise du feu dans l’art porcelainier de Limoges par Thomas Hirat, directeur du four des Casseaux

La cuisson demeure l’élément fondamental dans l’existence d’une porcelaine. À la fin du XVIIIe siècle et pendant la première moitié du XIXe, maîtriser les hautes températures nécessaires à la création d’une kaolinite exige le meilleur des hommes. Leur empirisme bâtit la science du feu et les outils pyrométriques se développent rapidement. Les fours ne cessent de s’agrandir, les tonnages produits se multiplient et au tournant des XIXe et XXe siècles, Limoges devient une cité industrielle forte et reconnue grâce à ses savoir-faire. Cette présentation propose donc d’analyser le développement des outils de cuisson et des métiers du feu durant le processus d’industrialisation. Elle renseigne aussi sur les spécificités techniques et le rendu esthétique des prestigieuses manufactures de Limoges.

16h45-17h15 : La porcelaine de Limoges aux États-Unis : commerce et espionnage industriel par Étienne Tornier, responsable des collections modernes et contemporaines au Musée des Arts décoratifs et du Design de Bordeaux

Le marché américain est l’un des principaux marchés pour la porcelaine de Limoges. L’exportation de porcelaines au tournant du XXe siècle apparaît conditionnée d’une part à l’évolution de la politique tarifaire américaine et d’autre part à une concurrence allemande mais aussi américaine croissante, avec ses grands centres principalement situés dans l’Ohio et le New Jersey. Cette intervention est l’occasion d’évoquer un cas très intéressant d’espionnage industriel mené par un représentant des manufactures américaines à Limoges à la fin des années 1890. Cette contribution s’appuie sur les recherches effectuées aux Archives départementales de la Haute-Vienne, aux Archives nationales françaises et américaines.

17h15-17h30 : Questions et clôture de la journée